Inspiration

Je cherche à instaurer un rythme entre ombre et lumière, entre vide et plein, entre clair et foncé, rugueux et lisse. La grande richesse des matières que mon regard croise (morceaux de mur, d’arbre, de roche, de volcan, de pierres, de métal, de neige, d’eau…) inspire mes recherches créatives. Pour créer une pièce, l’attachement à mon environnement, à ma culture et à mon vécu, ainsi que l’ouverture au monde sont importants. Chaque sculpture, chaque instant passé avec une sculpture, me transportent vers autre chose, vers une autre création, une autre réflexion. C’est pour cela que chaque sculpture est unique. Elle appartient à un moment bien précis de mon existence. Elle représente une étape de ma vie. Une forte émotion doit s’en dégager et le spectateur devient complice de cette forme. Elle ne prend vie que par le regard de l’autre.
Ultime reconnaissance.


Céramique, pour éveiller la vérité céramique
par Raphaël Monticelli (écrivain, critique d'art)

On se dit: "travail de la terre" comprenant dans cette formule, tout à la fois le long travail de la nature sur elle même, celui qu'elle réalise sur et dans chacun de nous, et celui que nous faisons avec elle, en elle et sur elle. On se dit aussi "travail du corps". D'un corps revenu à la terre, se mesurant à elle, s'y donnant, s'y frottant, s'y heurtant, et cherchant à s'y enfouir, comme le rêve d'un retour dans la matrice première. On se dit: "céramique"' ; et l'on sait que c'est un autre mot, plus ancien -antique- pour dire "terre" ou "argile". On se dit "céramique", non pas simple mise en œuvre d'un savoir technique, mais vecteur d'un processus de questionnement, et c'est pour dire la façon dont quelques artistes d'aujourd'hui se saisissent de cette matière géologique et historique.

Sculpteur céramiste, Karine Benvenuti inscrit résolument son travail dans les problé-matiques de l'art de notre temps. De la céramique, elle retient l'essentiel, le spécifique : la matière, les gestes, et plus généralement les mouvements et actions du corps à l'œuvre, les colorations -celles de la matière, et celles, réduites au minimum, des colorants- et la gestion du feu. Retenir l'essentiel : autant dire se débarrasser de l'anecdotique, du plaisant, du séduisant, de l'immédiatement utilitaire. Retenir l'essentiel pour participer à une redéfinition, ou une refondation, de la céramique. Retenir l'essentiel, comme pour atteindre le moment et le lieu, l'utopie d'une origine.

La céramique de Karine Benvenuti est une céramique d'avant le tour, un travail sur la masse, ou en élaboration de masse, à la recherche d'un antérieur de la forme, ou de cet instant "génétique" où une forme commence à naître, là où ne semblait apparaître aucune forme. La céramique -la terre- comme lieu de l'origine des formes, le territoire des archétypes. Les œuvres de Karine Benvenuti ne portent pas la "trace" de l'action du corps. Chacune est la forme définitive et définitivement juste d'un rêve d'harmonie : et cette forme est réussie dès lors qu'elle nous renvoie l'image d'un désir, et qu'elle creuse en nous, en même temps que la frustration de son assouvissement, la permanence du désir. 

Karine Benvenuti proclame ses attachements et ses références. Tapiès, Soulages, Chillida, Rothko, Casanovas, Debril, Champy, Dejonghe. Voilà qui dessine un environnement artistique fait de liberté dans les procédures, de mise en cause des classements, des genres, des règles et des normes, de rigueur dans le développement des démarches; de cohérence.

Les œuvres de Karine Benvenuti n'accrochent pas l'œil -elles le happent; comme le font ces "pierres trouvées", ces suiseki, qui se révèlent au promeneur attentif et dont l'extrême-orient a su faire un art, ou celles, peut-être, qui sont à l'origine des Churingas aborigènes. Elles ont cette improbable évidence des faits de nature que l'attention, le travail ou la méditation peuvent charger d'humanité et de culture pour en faire des viatiques pour les voyages d'aujourd'hui.

 

 

 

Crédit photos : Olivier Planchon

 

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